Aide à la mise en place de conditions favorisant l’apprentissage des élèves
Démarrage du projet
En décembre 2023, Monsieur l'Abbé Ferdinand Kajuju contacte Esf pour une demande d'accompagnement des écoles secondaires de la région Mbogora au Burundi, dans la province de Mwaro.
Originaire de cette région, l'Abbé Kajuju vit en Belgique et a fondé à Mbogora l'asbl Girakazoza.
Cette association a pour objectif la contribution à la résilience communautaire par la formation, l'accompagnement des jeunes et des ménages en difficulté et des enfants pygmées. La concrétisation de cet objectif passe par : la scolarisation, le vivre-ensemble et l'entrepreneuriat.
Suite aux premières rencontres et analyses des besoins avec le CA d'Esf, il s'est avéré intéressant de démarrer le partenariat par une première mission ciblant l'enseignement fondamental, de la 2ème à la 6ème primaire (classes dans lesquelles on apprend le français). A cette mission il a été convenu d'ajouter une partie d'investigation permettant d'affiner les attentes des demandeurs de l'enseignement secondaire.
Un groupe de projet composé de 9 personnes s'est mis au travail. Il est composé de : Sabrina Cammarata, Mireille Chevigné, Elisabeth Colart, Patricia Dubuc, Christiane Fontaine, Anne Gilbert, Béatrice Hardy, Jean-Pierre Janssens et Marie-Agnès Pirlot.
Le projet est planifié sur 3 années.
En février 2024, la décision d'un départ est avalisée par le CA d'ESF. La première mission se déroulera en été 2024, durant deux semaines de partages pédagogiques avec les enseignants de terrain.
Préparatifs de la première mission :
Un contact est établi avec les directions des établissements concernés qui remettent un document de fin avril avec des pistes de travail pour les échanges pédagogiques.
Les 3 partantes sont identifiées. Il s'agit de :
Sabrina Cammarata, institutrice primaire, gestionnaire de formation adultes
Elisabeth Colart, institutrice primaire, ancienne directrice, conseillère pédagogique et gestionnaire de formation
Marie-Agnès Pirlot, institutrice maternelle, ancienne accompagnatrice de futurs enseignants, et formatrice
Plusieurs réunions et journées de travail se dérouleront entre mai et juillet, en alternance avec tout le groupe de projet ou entre partantes uniquement.
Le thème de l'APPRENTISSAGE est choisi comme fil rouge de la formation.
Quels sont les facteurs favorisant l'apprentissage en tenant compte du contexte des grands groupes ?
A partir de différentes activités proposées, en lien avec le programme officiel d'enseignement du Burundi, l'équipe décide de mettre en avant des méthodes d'apprentissage où l'enfant sera l'acteur principal. Les pédagogies des grands groupes et du projet mettront à l'honneur les manipulations, en lien avec la pédagogie active. Elles seront exploitées et analysées par l'ensemble des participants.
Des activités mathématiques en géométrie, grandeurs et numération ainsi que des activités de français en langage oral, lecture, orthographe et vocabulaire seront abordées. Ces activités se vivront à partir de manipulations et également à partir d'éléments du dehors, propres à leur environnement.
Première mission sur place - Août 2024
Arrivées quelques jours précédant la formation, nous avons rendu visite à différentes autorités de la région : responsable communal de l'enseignement, maire, archevêque, Ministre et sénatrice. Il fallait évidemment veiller à n'oublier personne. Les locaux y accordent beaucoup d'importance. Au-delà du protocole, ces visites ont apporté une belle visibilité à Enseignants sans Frontières. Nous avons chaque fois eu l'occasion de parler de l'Asbl et de présenter notre mission. Les autorités ont marqué un grand intérêt pour celle-ci et se sont dits honorés de notre présence. ...
Le premier jour de la formation, après une présentation de notre proposition d'objectif et du déroulement des deux semaines, nous avons entamé les premières activités.
Chaque matin, nous commencions par un rituel à revivre dans sa classe : que ce soit du français, des math ou de la citoyenneté. Par exemple, travailler sur les phonèmes, les groupes dans la phrase, les informations implicites, l'étude d'un nombre, les émotions...
A la clôture d'un certain type d'activités, nous faisions généralement une synthèse présentant les objectifs visés, la méthodologie. Nous avons chaque fois, en plus d'une affiche récapitulative, laissé une fiche écrite, du type préparation de leçon.
Nous avons bénéficié de 3 locaux dans une école de Mbogora mais nous avons aussi réalisé de nombreuses activités à l'extérieur en grand groupe selon la pédagogie des grands groupes : donc avec des sous-groupes autonomes pour coller à leur réalité de terrain.
La première semaine, pour débuter nous avons proposé le projet environnement qui avait pour objectif de faire découvrir une manière d'enseigner plus vivante et attractive à partir d'une leçon d'éveil. Nous avons utilisé pour ce faire les 5 sens.
Nous avons donné l'exemple en présentant notre pays pour que les enseignants puissent par après choisir et présenter un thème de leur choix : pays, commune, écoles, hymne nationale, culture du haricot. Ils devaient également utiliser les 5 sens.
Nous avons proposé à plusieurs reprises des ateliers de manipulations mathématiques, tant en grandeur, qu'en structuration de l'espace et également en savoir calculer.
Ce fut une vraie découverte pour eux. Ils ont d'ailleurs éprouvé beaucoup de difficultés car, comme ils le disent eux-mêmes, ce sont des théoriciens. Ils n'ont jamais eu l'occasion d'utiliser du matériel. Et ils n'ont d'ailleurs, durant leurs études, jamais expérimenté les manipulations. Mais ils connaissaient la théorie.
Pour ce qui est des ateliers de français, nous avons, entre autres, abordé l'inférence, le vocabulaire, les catégories grammaticales, l'utilisation des livres de manière ludique. Les enseignants pour la plupart comprenaient le français bien qu'ils ne l'utilisent pratiquement jamais dans leur classe, si ce n'est durant les leçons d'apprentissage proprement dit de la langue française.
Lors d'une matinée, à partir des éléments de la nature, les enseignants ont pu réaliser des activités artistiques : mandala, dessins et peinture, bracelets,...
Sur proposition d'un cadre pour tisser, les enseignants ont fabriqué une chaise.
Une première évaluation a été proposée en fin de première semaine.
Lors de celle-ci, nous avons dégagés les temps forts de nos échanges pédagogiques dont les coups de cœurs : le travail en sous-groupes, l'utilisation des dominos, le travail à partir des 5 sens, l'interdisciplinarité, la façon dont on utilise le temps, le matériel didactique fabriqué sur place, les préparations de leçon avec la découverte et l'utilisation de matériel didactique, les rituels, le respect du timing.
La seconde semaine, nous avons proposé de vivre une activité d'éveil : l'observation d'un paysage.
Trois temps ont été vécus : l'approche sensible, la descriptive et l'explicative. Les enseignants comme à chaque activité étaient acteurs de leurs apprentissages.
Nous avons également proposé un second projet : le projet conte. A nouveau, nous avons présenté une histoire sous différentes formes.
Ensuite, par groupe, les enseignants présentaient un conte de leur choix à partir de différentes techniques d'exploitations que nous leur avions présentées : animation en 3D, bruitage, parcours psychomotricité, bricolage ou représentation théâtrale.
Fin de la deuxième semaine, les enseignants ont eu l'occasion de réutiliser le matériel proposé tout au long de la formation en l'exploitant soit différemment, soit dans d'autres domaines.
La plupart ont réutilisé les dominos pour créer des exercices dans divers domaines : orthographe, sciences, géographie, mathématiques, etc.
A plusieurs reprises, au fur et à mesure des activités, nous avons structuré, à la lumière de la théorie des apprentissages et de la pédagogie des grands groupes, les découvertes pédagogiques.
En pédagogie des grands groupes : le principe, les objectifs, l'organisation, et les rôles de chacun...
Et pour l'apprentissage : qu'est-ce qui le favorise, quelles en sont les étapes et points de vigilance ?
Nous avons terminé par les perspectives suivantes :
Qu'ai-je envie d'essayer dans ma classe ?
Quelles sont nos attentes pour l'année prochaine ?
Qu'est-ce qui me semble impossible à réaliser dans ma classe ?
Quel matériel ai-je envie d'utiliser dans ma classe ?
Et après une remise d'attestation de fréquentation du stage Esf, nous avons célébré tous ensemble cette extraordinaire expérience d'échanges pédagogiques.
Quels sont les retours des enseignants après cette quinzaine de formation ?
Voici un message reçu d'une directrice-enseignante quelques mois après :
« Les enseignants profitent de l'erreur commise par les élèves pour expliciter beaucoup plus ; ce qui n'était pas le cas auparavant.
Moi aussi j'utilise le slogan « l'erreur est magnifique » quand je tiens une réunion pédagogique car j'avais une enseignante qui punissait beaucoup les élèves quand ils commettaient des erreurs et pour le moment je vois que cette enseignante est en train de changer de comportement. »
Et des enseignants :
Ce qui nous a frappé c'est l'importance du statut de l'erreur. Lorsque l'enfant commet une erreur, nous savons maintenant que c'est à partir de cette erreur que nous pouvons expliquer et faire comprendre. L'enfant le sait aussi.
Nous avons été très intéressés par l'utilisation des dominos. Par exemple, quand j'enseigne des séances de technologie à mes élèves, j'amène mes élèves à construire des dominos en cherchant une multitude mots de vocabulaire autour du thème abordé. Donc j'enseigne en même temps la technologie et l'enrichissement du vocabulaire.
Je travaille sur l'exploitation des images.
Nous nous sentons plus à la hauteur en travaillant avec les 5 sens. Nous savons que les 5 sens sont indispensables dans notre enseignement que ce soit pour nous ou pour nos enfants.
Nous utilisons ce que nous trouvons dans la nature pour en faire notre matériel pédagogique.
J'ai construit la coupe du cœur avec ce que j'ai trouvé dans la nature et j'ai affiché dans ma classe.
Nous avons été intéressés par la façon de fabriquer nous même certains matériels didactiques.
Nous avons été contents de voir la manière dont vous exploitez les images, un paysage ou toute autre chose.
Avec un seul matériel, nous pouvons enseigner une multitude de leçons. »
Nous devons encore souligner l'aide précieuse de l'Abbé Kajuju, tant dans les préparatifs en Belgique que pour son accueil sur place et son accompagnement au quotidien. Un bon partenaire est vraiment une clé de réussite d'un projet !
Sabrina Cammarata, Elisabeth Colart et Marie-Agnès Pirlot
